Retour sur la Conférence sur la reconstruction mammaire après mastectomie lors d’un cancer.
Drs Heinemann, Klinger, Osdoit, Dammacco et Paillard
Mardi 8 octobre 2024
1. De la mastectomie à la reconstruction mammaire secondaire
Par le Dr Heinemann Mellie
Gynécologie, sénologie, chirurgie cancérologie au Centre Léon Bérard
La reconstruction immédiate, différée ou secondaire, dans quels cas ?
Lors d’une mastectomie totale ou partielle, la reconstruction immédiate (RMI) peut être proposée même si la patiente est en cours de chimiothérapie ou sous immunothérapie.
Lors du traitement de radiothérapie on peut constater une rétraction de la peau, la formation de télangiectasie (petits vaisseaux sanguins superficiels dilatés). Dans ces cas, la reconstruction immédiate est plus difficile.
Le chirurgien peut parfois conserver un excédent de peau, facilitant ainsi la reconstruction différée ou secondaire (RMS) du sein. Le délai d’attente après la mastectomie peut aller de 6 mois à 1 an, en fonction des traitements suivis et de la qualité de la peau.
Cependant, une condition importante peut contraindre le chirurgien à différer la reconstruction : le tabac. Celui-ci augmente les risques d’infection, de nécrose et d’échec des interventions faisant appel à la microchirurgie. Si la patiente fume, la reconstruction sera différée et un arrêt complet du tabac sera obligatoire.
Une deuxième contre-indication est l’obésité et le diabète non équilibré. Le type de reconstruction reste le choix du patient. Chaque reconstruction est un parcours qui va s’étendre sur plusieurs mois. La relation avec le chirurgien doit être basée sur la confiance en premier lieu.
2. La reconstruction mammaire Immédiate (RMI)
Par le Dr Sophie Klinger
Sénologie, Chirurgie cancérologique, Chirurgie reconstructrice au CLB
Quels avantages avec une RMI ?
La mastectomie et la reconstruction mammaire immédiate (RMI) sont pratiquées au cours de la même intervention. La glande mammaire est retirée et le chirurgien procède à la reconstruction immédiate. Si l’étui cutané du sein peut être conservé, il y aura du remodelage par implants mammaires ou lipomodelages.
Dans d’autres cas, le chirurgien procédera à la pose de lambeaux musculo-cutanés si le volume de peau n’est pas suffisant pour effectuer une RMI.
« Finalement, pour être honnête sur le plan morphologie et esthétique, lorsque la RMI est possible, on observe une meilleure conservation de la plaque aréolo-mamelonnaire. On conserve plus de tissus. De ce fait, il y a moins de chirurgie, plus de sensation tactile par la suite dans certains cas. » – Sophie Klinger
Quelles sont les contre-indications pour pouvoir bénéficier d’une RMI ?
- Si la tumeur fait plus de 5 cm (T3)
- S’il y a des infiltrations cutanées par les embolies.
- Si la patiente présente un cancer du sein inflammatoire.
- Si la patiente a une taille de bonnet C, l’intervention est plus compliquée.
- L’obésité et le diabète non équilibré.
Le tabac est le risque majeur de complication. L’échec est quasi certain si la patiente consomme 15 cigarettes par jour.
Lors d’une reconstruction par lambeau, une complication par risque d’embolie est possible si l’IMC est supérieur à 30, ou dans le cas d’une patiente qui pratique un sport intense.
Si une radiothérapie est prévue par la suite, on peut retarder la reconstruction pour donner la priorité aux traitements.
3. La reconstruction mammaire par lambeaux
Par le Dr Osdoit Marie
Sénologie, Chirurgie cancérologique reconstruction autologue au CLB
Lorsque l’on parle de lambeaux en reconstruction mammaire, il s’agit des propres tissus autologues de la patiente (ventre, dos, cuisses, fesses). Cette technique permet de former une « poche » qui accueillera une prothèse ou des injections de graisse.
L’utilisation de la microchirurgie en chirurgie réparatrice permet de déplacer des tissus d’un endroit du corps à un autre, même éloigné. Le chirurgien ne prélève que la peau et de la graisse, avec les vaisseaux qui vascularisent le lambeau, appelé « Lambeau Libre ». Il effectue ensuite la connexion de deux artères et des veines en microchirurgie. Cette technique est très fréquente pour une reconstruction sans prothèse.
Il existe plusieurs types de lambeaux :
- DIEP : Ventre, prélèvement sans muscle
- PAP : Cuisse, prélèvement sans muscle, lambeau très fiable
- TUG : Cuisse, prélèvement avec le muscle
- DOS : Grand Dorsal, prélèvement partiel avec le muscle
- SGAP et IGAP : Fesse, prélèvement sans muscle
Avant le prélèvement du lambeau, un scanner est effectué pour vérifier la qualité des vaisseaux. Les lambeaux peuvent être utilisés seuls ou associés à une prothèse ou au lipofilling pour parfaire le résultat.
4. Techniques innovantes et nouveaux processus
Par le Dr Dammacco Délia
Sénologie, Chirurgie cancérologique et reconstruction au CLB
« La reconstruction mammaire reste un choix de la patiente. » – Dr Dammacco Délia
« En 2024 : Au CLB, nous avons prélevé des lambeaux du Grand dorsal avec moins de quantité de muscle qu’auparavant. Grâce au lipofilling, on compense le manque de masse musculaire, réduisant ainsi la perte de force musculaire du côté opéré.
Nous utilisons aussi les lambeaux fessiers et cuisses, comme le PAP, qui cicatrisent très bien avec un moindre impact sur la vie du patient. »
Le lipofilling nécessite des réserves graisseuses importantes, ce qui peut rallonger le processus de reconstruction.
Les techniques innovantes en 2024 :
- Implant expandeur : Prothèse dégonflée, gonflée progressivement pour étirer le muscle et la peau.
- DEVISE* : Filet en tissu synthétique pour poser une prothèse sans recouvrir par le muscle.
- MATISSE* Médicale : Bioprothèse résorbable pour une reconstruction progressive.
- Création de mamelon par greffe de lobe de l’oreille ou pulpe d’orteil.
- Dermopigmentation médicale pour la reconstruction visuelle de l’aréole et du mamelon.
5. Mastectomie prophylactique en dehors des indications
Par le Dr Paillard, Psychiatre au CLB
La chirurgie préventive consiste à l’ablation des deux seins pour les femmes porteuses de mutations génétiques (BRCA1 et BRCA2) ou à haut risque de cancer. Son bénéfice est maximal avant 40 ans. Cette chirurgie réduit l’anxiété chez les patientes, souvent jeunes et ayant des antécédents familiaux de cancer.
Le processus implique un deuil du sein perdu, de la maladie, et de l’angoisse de la mort. La demande de chirurgie prophylactique permet aux patientes de reprendre le contrôle de leur corps.
Actuellement, 43 % des femmes ne souhaitent pas de reconstruction après une chirurgie prophylactique, mais une reconstruction différée reste possible. Il est essentiel de prendre le temps de discuter avec le chirurgien, le psychiatre et l’équipe médicale.
Compte rendu établi par Isabelle Herbin
Dermalya